Introduction
“L’un des défauts de notre société contemporaine est de nous priver du temps nécessaire pour prendre soin de soi. Nous sommes happés dans l’engrenage du quotidien au rythme effréné, une dépense d’énergie quasi-continue sans réel espace-temps de régénération.” Dr Robert E. Svoboda, Prakriti : votre constitution ayurvédique
« dina » signifie le jour et « charya » correspond à la notion de cycle, autrement dit dinacharya peut être traduit par le cycle journalier.
Le terme Dinacharya désigne l’ensemble des habitudes, des actions quotidiennes que l’on met en place pour soutenir sa santé et ainsi maintenir l’état d’équilibre de sa constitution individuelle (Prakriti). L’Ayurveda considère en effet qu’une « discipline » quotidienne composée de routines du corps et de l’esprit permet de renforcer l’immunité et donc sa capacité à faire face à la vie. Ces routines peuvent se révéler comme des points d’appui, de repères pour aider à traverser un peu plus sereinement une période mouvementée.
La Dinacharya implique de s’accorder un temps, un espace pour prendre soin de soi, s’occuper de soi… cela permet notamment de reconnecter avec les rythmes naturels biologiques et de prendre conscience de l’importance de s’harmoniser avec les rythmes et les cycles de la Nature.
Le but de la Dinacharya est d’entretenir une bonne santé au quotidien et favoriser ainsi la longévité en maintenant les Doshas dans leur état de fonctionnement à l’équilibre et ainsi se prémunir de toute sorte de troubles de santé.
Installer une Dinacharya dans son quotidien
Le socle fondamental de la Dinacharya repose tout d’abord sur l’écoute et la non-répression des besoins corporelles et physiologiques du corps humain :
- se nourrir (y compris la respiration),
- s’hydrater,
- se reposer (dormir),
- éliminer les « déchets » corporels
- se reproduire
L’Ayurveda propose une diversité de pratique et d’actions quotidienne afin que ces besoins naturels et vitaux soient satisfaits d’une façon consciente, équilibrée et soutenant la santé de l’individu.
Toutefois, la pratique d’une Dinacharya est à considérer dans une dimension bien plus vaste et plus riche que simplement répondre à ses besoins vitaux. L’Ayurveda fournit des conseils et lignes conductrices afin de personnaliser et de choisir les pratiques adaptées à chaque individu. Une Dinacharya intègre également des recommandations sur des pratiques d’hygiène et de « propreté » corporelle, d’hygiène mentale et émotionnelle, sur la pratique d’exercices physiques, de l’auto-massage, sur la gestion du sommeil et plus globalement comment rythmer / organiser sa journée et ses activités selon sa constitution.
En respectant ces routines quotidiennes, on crée une structure qui soutient et nourrit le bien-être physique, émotionnel et mental. Cette façon d’aborder son équilibre de vie au quotidien est particulièrement pertinent dans l’époque actuelle mouvementée et très changeante. Ces routines établissent en effet une sorte de constance qui aide à maintenir sa vitalité et son immunité pou traverser plus sereinement les différentes expérience de la vie.
L’espace-temps consacré à sa Dinacharya est par ailleurs une magnifique opportunité pour s’observer, comprendre plus finement ses besoins propres, pour ramener de la présence et de l’attention au corps, à ses mécanismes de fonctionnement et à l’ensemble de ses organes sensoriels (toucher, ouïe, vue, odorat, goût) qui sont nos interfaces avec l’environnement qui nous entoure.
Cultiver cette intimité avec soi-même (au travers de sa Dinacharya ou d’autres pratiques) est peut-être la première étape nécessaire pour pouvoir agir dans le monde avec justesse et discernement et ainsi offrir au monde ce qui nous anime profondement.
Dinacharya : en pratique
Il existe pléthore de routines possibles suggéeés par l’Ayurveda. Chaque jour, on pourrait y consacrer au moins deux heures.
A titre d’exemple, je vous partage les routines matinales qui m’accompagnent depuis plusieurs années et qui s’inscrivent à présent comme « fondation » de mon hygiène de vie globale.
Se « racler » la langue (gratte langue)
Il s’agit de retirer le surplus de dépôt (toxines accumulées pendant la nuit),cette pellicule est composée de bactéries mortes. Notre bouche héberge un vrai petit microbiote à l’instar de nos bactéries intestinales. Selon l’Ayurveda retirer ce déchet de l’organisme permet ainsi de ne pas les ré-assimiler.
Par ailleurs, se racler la langue est une bonne habitude pour réveiller les papilles gustatives et ainsi commencer à réveiler les fonctions digestives (notamment Agni).
Douche nasale : nettoyage du nez et des sinus à l’eau tiède salée (jala neti)
C’est une technique plutôt d’origine yogique tiré des « shat karma » qui comprennent des techniques variées de purification.
En Ayurveda, on peut utiliser cette technique pour nettoyer et assainir les muqueuses nasales, les sinus et évacuer les mucosités accumulées.
Oléation nasale (snehana nasya)
Il existe plusieurs types de nasya. Dans le contexte de dinacharya, il correspond à l’application de 2-3 gouttes d’huile (ou de ghee) dans chaque narine. Nasya peut se faire avec de l’huile de sésame nature, du ghee nature ou avec des huiles médicinales qui auront un effet davantage nettoyant et purifiant.
Nasya se révèle un traitement efficace pour la plupart des pathologies du nez et des sinus. L’application d’huile dans le nez limite le dessèchement des muqueuses et crée un film protecteur.
Selon l’Ayurveda, nasya est une pratique de choix pour soutenir l’équilibre des sens (organes des sens : ouïe, odorat, toucher, vue, gôut).

Rétraction et massage abdominal (uddiyana bandha et agni sara)
Deux pratiques également issues des techniques yogiques de purification (krya) dont l’objectif est d’activer le feu intérieur de la transformation (Agni) et de diriger davantage l’énergie (Prana) dans un mouvement ascendant.
Plus concrètement, uddiyana bandha (la rétraction abdominale poumon vide) et agni sara (brassage abdominal poumon vide) permettent de générer un afflux de chaleur interne, d’activer le métabolisme, de faire un massage viscéral, d’expulser l’air résiduel des poumons ou encore de travailler l’elasticité des tissus abdominales et thoraciques.

Prise d’eau chaude le matin à jeûn (ou douche « interne »)
Cette prise d’eau chaude à jeûn à une action nettoyante et de réveil du système digestif (Agni).
Cette pratique est également intéressante pour stimuler / rééduquer le réflexe d’élimination (selles) et soutient une bon fonction rénale en favorisant une bonne élimination urinaire.

Pratique posturale (ou plus globalement l’exercice physique)
Le matin, il s’agit principalement de délier le corps, de mobiliser les articulations, de synchroniser souffle et mouvements, de se relier à ses perceptions corporelles, de faire un petit check-up des tensions, des crispations du jour.
Ce moment de mise en mouvement du corps (si possible en conscience) sera favorable pour stimuler l’activité métabolique et aura aussi des bénéfices à différents niveaux de l’organisme (système immunitaire, circulation sanguine et lymphatique, entretien vitalité et énergie, entretien un bon moral…)

Respiration ou la présence au souffle
La respiration est un outil précieux (souvent sous-estimé) pour la santé du corps et de l’esprit en jouant directement sur l’équilibre entre les systèmes nerveux sympathique et parasympathique. La respiration est au centre de tous les systèmes physiologiques : digestif, circulaitoire, lymphatique, immunitaire, hormonal, musculaire…
« Tout est dans le souffle, tout est par le souffle. Le souffle est l’expression d’une intelligence naturelle universelle qui sous-tend et englobe toutes formes de vie » Eva Ruchpaul
Instant contemplatif / méditation
Se poser quelques instants (assis, debout, allongé…) dans l’observation de ses sensations corporels, du va et vient du souffle, du mouvement de ses pensées, dans l’écoute du Vivant qui s’exprime en soi (battements du coeur, petits bruits de fluides…)… simplement être avec soi, sans distraction extérieure et laisser se révéler la beauté et la profondeur d’être là à « faire rien ».
Selon les jours, j’aime aussi porter mon attention sur un « objet » de focalisation (un chant d’oiseau, le bruissement des feuilles, le jeu de lumière du soleil, la sensation de l’air sur ma peau…). Parfois cette contemplation glisse avec douceur vers la sensation d’être absorbé dans l’expérience, le mental ralentit et se pose.

Et bien d’autres habitudes possibles
Je n’ai pas évoqué le brossage des dents, la douche, le lavage du visage, se lever / se coucher tôt, l’élimination régulière des selles… toutes ses actions font aussi parties de la dinacharya et on pourrait en inclure bien d’autres selon nos propres besoins.
Pendant plusieurs mois, j’ai ainsi pratiqué le bain de bouche à l’huile de sésame, l’application d’un peu de ghee (ou d’huile de coco) sur les yeux ou encore l’auto-massage du corps.
L’idée est de commencer par une ou deux nouvelles routines et attendre qu’elle(s) soi(en)t bien intégrée(s) avant, éventuellement, d’en ajouter d’autres. En voulant tout mettre en place en même temps, on prend le risque de tout abandonner très rapidement sans avoir laisser le temps aux effets bénéfiques de se déployer.
Par ailleurs, dans nos quotidien déjà très « occupé », il est souhaitable de ne pas se « surcharger » davantage au risque de franchir la frontière de la fatigue psychique, nerveuse, physique… ce qui est totalement l’effet inverse de ce que l’on cherche à travers le soutien de la dinacharya. Peut-être y aura t-il des choix à faire, certaines priorités à revoir… afin de se donner l’espace-temps disponible.
Conclusion
La Dinacharya est une invitation à l’écoute de soi, à une meilleure compréhension de ses fonctionnements propres sur les plans physique, physiologique, mental et émotionnel. Au centre de la Dinacharya, on retrouve les axes suivants :
- Digestion / assimilation / élimination
- Ecoute des rythmes physiologiques et rythme circadien
- Repos, sommeil, relaxation
- Hygiène mentale et émotionnelle
- Hygiène physique pour entretenir un corps fort (vitalité) et fonctionnel
Il n’existe pas un seul type de Dinacharya mais autant de variantes possibles que d’individu, et selon leur état actuel de vitalité et santé.
Si vous n’avez jamais pratiquer l’un ou l’autre des pratiques citées ci-dessus et que vous êtes intéressé.e.s par expérimenter certaines, je vous conseille de vous rapprocher d’un praticien en Ayurveda pour vous guider et qui vérifiera les éventuelles contre-indications.
Quelques références bibliographiques
Prakriti : votre constitution ayurvédique, Dr Robert E. Svoboda
Le livre de l’Ayurveda – Le guide personnel du bien-être, Judith H. Morrison
Je tiens également à remercier Alex Duncan (Ayurveda Source, école de formation en Ayurveda) pour son enseignement très riche en connaissances, en sagesse et en humour. A travers ses partages, il invite chacun.e à faire de l’Ayurveda une expérience de vie au quotidien et à petit à petit observer le monde qui nous entoure (et également s’obsever soi-même) avec les « lunettes ayurvédiques ».
Cet article a été rédigé par Romain Cardinaud, thérapeute en Ayurveda. Pour en savoir plus sur ses activités et sur son parcours, vous êtes invité.e à consulter la page d’accueil et/ou l’onglet Qui-suis-je ?