Introduction

En cours de rédaction

Agni : le concept de feu digestif

Agni = énergie thermique, principe de la chaleur, thermogenèse

Agni est l’énergie de chaleur, elle joue un rôle essentiel dans les processus métaboliques du corps, qui correspondent à des transformations biochimiques se déroulant dans le corps.

En Ayurveda, la notion de digestion intervient sur tous les plans de l’Être, du plus grossier (digestion de la nourriture) à des plans subtiles (digestion mentale) et est directement relié au concept d’Agni (feu digestif). On peut présenter trois types principaux d’Agni auquel on peut y ajouter un quatrième type Agni (Tejas) :

  • Jathara Agni : l’Agni du système gastro-intestinal, il décompose les la nourriture en macronutriments, il s’agit de l’Agni principal (le fonctionnement des Agni suivants dépend de son bon fonctionnement).
  • Pancha Bhuta Agni : les Agnis situés dans le foie qui contribuent à digérer les aliments en y extrayant les états de matière (les 5 éléments) pour qu’ils puissent être ensuite utilisés dans le processus de nutrition des tissus (Dhatus). Ces Agnis sont aussi en charge de digérer / dénaturer le sang pour le purifier (ou encore de traiter les résidus de médicaments circulant dans l’organisme afin de les évacuer).
  • Datva Agni : les Agni associés à chaque Dhatu, que l’on peut associer à toutes les transformations et activités métaboliques cellulaire…
  • Tejas : Agni subtile qui est lié au processus de digestion psychologique : assimilation des perceptions sensorielles, mentales, des expériences émotionnelles

Si on se focalise sur le plan grossier de la digestion des aliments, Agni peut être vu comme une fonction enzymatique catabolique, qui est régie par les différents sucs digestifs sécrétés par l’estomac, le pancréas et l’intestin grêle. Le processus digestif a pour but de réduire la nourriture en composés simples absorbables, assimilables et utilisables par le corps afin de construire ses propres tissus.

Selon l’Ayurveda, la santé dépend de la nourriture ingérée (qualité, quantité) mais également de l’état de fonctionnement d’Agni, ou autrement dit de la puissance de digestion. Un Agni équilibré est essentiel pour maintenir une bonne santé et il est donc important d’apprendre à connaitre son propre fonctionnement digestif et sa propre capacité digestive. Tenir compte de l’état d’Agni est un des points de départ pour choisir et ajuster son régime alimentaire afin qu’il soit le plus adapté possible.

Chacun de nous a son propre feu digestif Agni et il dérive de notre propre nature (Prakriti). Selon les qualités de la Prakriti et donc de la dynampique doshique Vata, Pitta, Kapha, le feu digestif aura des caractéristiques spécifiques selon l’individu. Très succinctement, nous pouvons retenir :

  • Une personne Vata dominante (ou en déséquilibre Vata) sera plus sujette à une digestion / une capacité digestive variable et sera aussi plus susceptible d’être touchée par un des réactions d’hypersensibilités, d’intolérances ou encore d’allergies alimentaires. Les trouves digestifs les plus courants recouvrent : flatulences, ballonnements, gaz, coliques, crampes intestinales…
  • Une personne Pitta dominante se caractérise généralement par un métabolisme (une digestion) rapide avec une capacité à « tout digérer » et une sensation de faim bien présente (souvent fréquente, surtout en cas d’excès de Pitta dosha). Les désagréments digestifs pourraient s’exprimer par des sensations de brûlure, de l’acidité, des gaz malodorants ou encore une soif excessive
  • Chez une personne Kapha dominante, la digestion est plutôt lente mais régulière et constante. Les troubles digestifs associés sont plutôt sensation de lourdeur, somnolence, nausées.

La force, la santé, la longévité et la vitalité sont dépendant de la puissance de digestion. On comprend alors que la force de résistance du corps contre la maladie (autrement dit le système immunitaire) est dépendante de la force d’Agni. L’Ayurveda considère que la plupart des maladies dérivent d’un mauvais fonctionnement du système digestif, autrement dit une déficience au niveau d’Agni.

La puissance digestive est entretenue par un apport régulier de nourriture et de boisson, espacé par des temps de jeûnes permettant au processus de digestion et d’assimilation d’effectuer son travail de façon optimale. Il est aussi intéressant de souligner que l’arrêt trop prolongé de l’alimentation finira par « éteindre » le feu digestif, c’est-à-dire une dysfonction des mécanismes biochimiques (en particulier la sécrétion des enzymes et sucs digestifs) associés à la digestion.

Reconnaitre Agni en équilibre et en déséquilibre

Un feu digestif équilibré permettra d’assurer les critères suivants :

  • Une véritable sensation de faim physique, une faim régulière, à une fréquence donnée selon Prakriti (qui pourra être nuancée selon l’âge, le climat, les saisons…)
  • Une soif en accord avec Prakriti
  • Une digestion équilibrée (pas d’inconforts ou de symptômes d’indigestion)
  • Elimination optimale = selle bien formée (selon Prakriti)
  • Peau saine et lumineuse
  • Energie et vitalité optimales

La synergie des trois Doshas et une alimentation appropriée assure et maintient un Agni équilibré.

Si Agni n’est pas en état d’équilibre, la digestion ne peut pas être optimale. Des signes d’indigestion se manifestent (à de degrés plus ou moins important selon le déséquilibre) et cette digestion insuffisante / incomplète conduit à la production toxines (appelées Ama, qui désigne la partie des aliments mal digérés).

L’Ayurveda reconnait trois états principaux d’Agni en déséquilibre, le tableau ci-dessous récapitule les signes et caractéristiques de ces Agni en déséquilibre :

Agni variable (Vishama Agni)Agni excessif (Tikshna Agni)Agni ralenti / bas (Manda Agni)
Plutôt observé chez les personnes de type Vata
¤ Appétit irrégulier, erratique, avec tendance à oublier de s’alimenter
¤ Digestion variable et perturbée (flatulences, distension abdominale, constipation)
Plutôt observé chez les personnes Pitta dominant
¤ Appétit excessif
Sensation d’être affamé plusieurs fois dans la journée
¤ Digestion accélérée, perturbée (sensation de brûlure, acidité, tendance diarrhée)
Plutôt observé chez les types Kapha
¤ Appétit faible, voire pas de sensation de faim
¤ Digestion lente et perturbées (lourdeur, somnolence)
¤ Tendance à grossir sans consommation excessive d’aliments
Excès de mucosités, congestion

Les causes provoquant des troubles de fonctionnement d’Agni peuvent être multifactorielles mais dérivent généralement :

  • d’habitudes alimentaires inappropriées (excès de nourriture ou excès de jeûne ; repas pris à des horaires très irréguliers ; grignotage ; excès d’aliments lourds, froids, humides, gras, sucrés tels produits laitiers, pâtisseries, viandes / poissons, boissons glacées… ; mauvaises associations alimentaires trop souvent… ; consommation excessive d’alcool, tabac, café),
  • d’une hygiène de vie inadaptée (sommeil excessifs, vie sédentaire…),
  • ou encore d’une gestion inappropriée de ses émotions (émotions rentrées, non exprimées).

Ama : concept de toxines (particules alimentaires non digérés)

Tous les états d’Agni déséquilibré conduisent à des processus de digestion et des assimilations partielles et mauvaises. Ceci signifie qu’un Agni déséquilibré est synonyme d’une forme d’indigestion (plus ou moins importante) et conduit à la production régulière d’Ama, qui désignent les aliments (la nourriture) non parfaitement digérés et sont considérés comme des toxines selon l’Ayurveda.

La cause principale de la production de Ama dans le corps est un Agni défaillant. Lorsque Agni est fort, il ne se forme pas de Ama. Lorsque Agni est faible, Ama augmente facilement.

Ama est de nature collante, lourde, froide, épais, humide ; cette substance induit de la congestion, des obstructions de circulation, des stagnations, des ralentissements de fonctionnements métaboliques… Ainsi l’accumulation de Ama sera accentuée par la consommation de nourriture lourde, riche / grasse, froide…et tout ce qui pourra manifester des qualités (gunas) semblables à Ama.

La présence d’Ama est un facteur aggravant qui conduit au déséquilibre des Doshas. Réciproquement, un déséquilibre des Doshas peut perturber Agni et donc le métabolisme digestif, ce qui va diminuer la capacité digestive. Cet affaiblissement d’Agni se traduira par la production d’Ama dans le système digestif. Cette accumulation dans le système digestif empêche la bonne assimilation des nutriments et, à terme, est aussi capable d’abîmer les tissus si son accumulation devient trop importante.

Les principaux signes de présence d’Ama sont :

  • Fatigue, faiblesse, lassitude, épuisement
  • Lourdeur (digestive, mentale, des sens)
  • Faim diminuée
  • Dépôt sur la langue
  • Marques des dents sur les bords de la langue
  • Maux de têtes, migraines
  • Mauvaise haleine
  • Augmentation de l’expectoration
  • Problèmes digestifs chroniques
  • Selles qui coulent dans les toilettes, selles malodorantes

Les troubles d’Agni, la présence d’Ama, un déséquilibre doshique sont les causes internes de la survenue d’une maladie. La faiblesse du feu digestif et l’accumulation de nourriture non digérée affaiblit progressivement le système immunitaire et laisse ainsi porte ouverte à l’apparition d’une maladie. La plupart des maladies sont causées ou liées à Ama, y compris les maladies chroniques telles que les allergies, diabète, hypertension, l’arthrite, cancer… Ama affaiblit le système immunitaire, déséquilibre le métabolisme et entraîne une dégénérescence progressive du corps.

Soutenir et maintenir Agni en état équilibré

Maintenir et soutenir le fonctionnement du feu digestif est essentiel pour maintenir une digestion saine, éviter la survenue d’indigestion, soutenir le transit et prévenir l’accumulation de Ama et le déséquilibre des Doshas.

Pour rétablir ou maintenir une bonne digestion, il faut commencer par manger en fonction de son Agni (c’est-à-dire en fonction de son capacité digestive) et adopter de bonnes habitudes alimentaires. Pour cela, les préconisations de la nutrition ayurvédique nous guident vers une alimentation équilibrée qui soutient Agni. Par exemple, il sera important de porter son attention et d’expérimenter les points suivants :

  • Régularité des horaires de repas, laisser un intervalle de temps suffisant entre deux repas (~ 3h), diner au moins 2h avant de se coucher
  • Boire tiède / chaud (ou à température ambiante en été) tout au long de la journée (pas de boisson froide / glacée même en été)
  • Observer, prendre conscience de son rapport à la nourriture (relation à la nourriture, état émotionnel), manger dans une attention dédiée à l’acte de manger et bien mâcher !
  • Choix / qualité des aliments, quantité consommée appropriée, façon de cuisiner… pour tendre vers une alimentation en accord avec sa constitution (Prakriti)
  • Contexte (environnement, compagnie) du repas, prendre le temps de manger tranquillement, dans une atmosphère sereine, bien mâcher
  • Eliminer les substances qui tendent à perturber la digestion (aliments / plats frits, sucres raffinés, tabac, alcool, café, conserves, nourriture raffinée et industrielle…)

Les saveurs les plus favorables pour soutenir Agni sont les saveurs piquantes, acides et salées (consommées en quantités appropriés).

L’usage des épices contribue grandement à maintenir une bonne fonction digestive. En effet elles jouent un rôle clé dans le processus de digestion en stimulant la fonction enzymatique. Dans la préparation des repas :

  • elles permettent d’améliorer la digestibilité des plats,
  • elles sont utilisées pour ajuster les qualités / attributs des aliments pour les rendre compatible avec la constitution de la personne qui les consomme,
  • elles permettent également de dissiper les gaz et ballonnements,
  • elles permettent d’assaisonner les aliments, d’apporter des nuances de saveurs dans les plats et de contribuer aux plaisirs des papilles

Les épices et certaines plantes sont généralement des moyens très efficaces pour augmenter Agni. Le choix, la quantité, la combinaison des épices (et/ou des plantes) seront adaptés à la constitution de la personne (Prakriti) et son état de déséquilibre actuel (Vikriti).

Agni sera également augmenté à l’aide d’exercices physiques, la pratique des postures de yoga (asanas), d’exercices respiratoires (pranayama), la méditation, par des périodes appropriées de jeûne, par une durée appropriée et régulière de sommeil (ni trop, ni trop peu).

Réduire et/ou éliminer Ama

Ama s’accumule progressivement tout au long de la vie, même chez les personnes en relative bonne santé et ayant un style de vie plutôt sain. Ceci est encore plus répandu à notre époque en raison de :

  • L’absence de période de purification du corps (ex : des périodes jeûnes)
  • La consommation d’aliments industriels (contenant des additifs, conservateurs…)
  • La pollution environnementale (air, eau, aliments)

Presque tout le monde peut bénéficier d’une légère désintoxination au printemps, en consommant davantage de légumes frais (notamment les légumes verts), d’aliments crus et de plantes aux vertus purifiantes / nettoyantes. Le printemps est la période appropriée pour effectuer ce nettoyage des toxines accumulées durant l’hiver. Pour réduire et/ou éliminer, plusieurs stratégies sont possibles selon le degré d’accumulation de Ama dans le corps, avec des approches douces et fortes.

Tout d’abord, toutes les actions favorables au maintien et au renforcement d’Agni contribuent à limiter la formation de Ama, puis à le réduire et à l’éliminer.

En cohérence avec les recommandations pour soutenir Agni, le traitement de Ama commence par le ré-équilibrage de son alimentation selon sa situation doshique (Prakriti et Vikriti) en suivant au mieux les préconisations de la nutrition ayurvédique et en éliminant les substances produisant Ama lors de la digestion.

De façon générale, les saveurs amer, astringent et piquant seront à favoriser pour réduire et éliminer Ama. La saveur astringente n’élimine pas Ama du corps mais elle limite sa production. Les saveurs douce, acide et salé tendent à augmenter Ama.

Ensuite, il est possible et il est souvent nécessaire d’y ajouter des actions plus spécifiques (à ajuster en tenant compte de la Prakriti et Vikriti de la personne) telles que :

  • Mélanges d’épices renforçant Agni et/ou capable de détruire Agni
  • Régime alimentaire plus stricte « anti-Ama »
  • Phytothérapie (plantes qui peuvent éliminer Ama et/ou stimuler Agni)
  • Passer du temps dans la nature et aller au contact des éléments (vent, eau, froid, chaud…)
  • Exercices physiques adaptés
  • Thérapie de sudation (Svedana) & oléation (Snehana)
  • Périodes de jeûne

Enfin, il peut être nécessaire de passer par des protocoles cliniques particuliers (cure Pancha Karma) qui consistent en des thérapies purification / nettoyage du corps lorsque Ama est ancré dans les tissus (Dhatus) profonds.

Conclusion